Anne DANYSZ
"Visées alternatives“ installation in situ
« Toute la conduite de notre vie dépend de nos sens, entre lesquels celui de la vue étant le plus universel et le plus noble, il n'y a point de doute que les inventions qui servent à augmenter sa puissance ne soient des plus utiles qui puissent être. Et il est malaisé d'en trouver aucune qui l'augmente davantage que celle de ces merveilleuses lunettes qui […] nous ont déjà découvert de nouveaux astres dans le ciel, et d'autres nouveaux objets dessus la terre, en plus grand nombre que ne sont ceux que nous y avions vus auparavant […]. »
René Descartes, La Dioptrique, 1637.
Simple et harmonieux, l’espace circulaire du kiosque des Batignolles s’offre sans réserve à l’œil du passant par la transparence du vitrage qui l’entoure. On y voit un oranger.
Quelques assemblages éphémères de bois noué sont installés autour de l’arbre, à la périphérie intérieure du pavillon. Leurs formes renvoient aux « merveilleuses lunettes » chères à Descartes, et autres appareils de vision.
Des Visées Alternatives. Disposés tout contre les vitres, bien en vue, ils incitent le spectateur à s’approcher, jusqu’à mettre l’œil à l’oculus, pour voir.
Investissant l’espace et s’offrant à la vue comme objets de contemplation, ces sculptures s’envisagent ainsi autant comme des objets à voir que des objets pour voir : orientant, recadrant, perturbant ou même abolissant la perception du lieu, chaque pièce vient redéterminer le regard, amenant le spectateur à regarder autrement, autre chose, autre part.
Elles ouvrent alors à d’autres visions – réelles ou imaginaires – sur le lieu.
Peut-être contribuent-elles aussi à rendre un peu d’intimité à l’oranger, en invitant le spectateur à regarder ailleurs..
Architecte de formation Anne Danysz est aujourd’hui plasticienne et professeure agrégée d’arts plastiques.
Vit et travaille à Paris et en région parisienne.
Les sculptures d’assemblages conçues par Anne Danysz prennent forme dans une pratique plastique qui tient du jeu d’exploration combinatoire : chaque pièce est élaborée à partir d’éléments de bois de toutes sortes, choisis au sein d’une « collection de bois » patiemment assemblée au fil du temps. Ces éléments sont maintenus ensemble provisoirement par un réseau de ficelles, nouées à la main.
Conjuguant différentes formes de rapport au temps et à la mémoire, cette pratique résolument manuelle vient revisiter et éprouver les savoir faire humains les plus anciens. La relation directe au matériau et à ses contraintes, volontairement visible et même affichée, met en question la place accordée au corps et aux sens dans l’acte primordial de se situer-produire-créer dans le monde.
A la recherche d’une résonnance avec les espaces qu’elles investissent, expressives et poétiques, les sculptures d’assemblage d’Anne Danysz viennent dialoguer avec le spectateur, tisser des liens avec le lieu, faire lieu.
Et, convoquant nos imaginaires, elles nous amènent à toucher, inventer ou dévoiler certaines dimensions cachées de nos environnements sensibles.